Abstraction? Opiniâtreté aussi.

Dans l’atelier saint-gillois de l’artiste, des mondes différents se télescopent. Nicole élabore avec obstination une œuvre exigeante, faite de recherches minutieuses guidées par la lumière de la simplicité. Elle se décante au fil des années et s’impose aujourd’hui: évidente.

Nicole Callebaut, photo par Mireille Roobaert

Nicole Callebaut photographiée par Mireille Roobaert devant son « Principe d’incertitude n°1 », une toile acrylique de 2015 que lui a inspiré la physique quantique et notamment, le célèbre principe de Walter Heisenberg.

Le beau livre de Roger-Pierre Turine, aux éditions La Lettre Volée, qui a fait en 2022 la rétrospective de l’œuvre de Nicole Callebaut, commence par cette phrase:

« Nicole Callebaut, c’est le papier qui l’irrigue, la met en mouvement, en devoir de lui signifier de quel bois, de quelles tensions, de quels déboulés, elle se chauffe. »

Avec elle, tout ne commence peut-être pas sur le papier – elle a fait du cinéma, de la peinture, de la sculpture – mais beaucoup se termine par là: dans les cuves où elle triture, malaxe la pâte à pleines mains et à la machine, la laisse maturer avant de la passer sous une presse d’où sortira sa matière première. Qu’elle transfigure souvent par un patient travail d’imprégnation de pigments d’une intensité et d’une richesse extraordinaires. Un bleu de cobalt dans lequel on se perdrait, des rouges et des bruns profonds. C’est un choc visuel simple et fort.

Ce nid d’abeilles géant, elle l’a réalisé dans un cabanon de Figannières (Draguignan). Fait de papier levé à la cuve, il rend hommage à la créativité des abeilles, qui fabriquent un nid d’alvéoles à partir de salive mêlée de bois ou de cires. Comme le fait la papetière Nicole Callebaut.

Si elle a été très influencée par Soulages, Jasper Johns, ou Rauschenberg, c’est dans des ateliers d’artistes, à New York, qu’elle a perfectionné ce métier pendant plusieurs années. Dans des disciplines aussi variées que peinture, sculpture, assemblages. « C’est à New York que je me suis découverte moi-même, dit-elle, que j’ai compris qu’une tension au fond de moi voulait s’exprimer. Il faut être très forte là-bas, l’apprentissage est dur. » En Algarve, où elle a une maison, elle a créé avec le maire de Loulé une école d’art d’été, qu’était venu inaugurer le directeur de la Fondation Gulbenkian, de Lisbonne. Loulé est la capitale traditionnelle de l’artisanat d’osier, dans cette région inondée de soleil. Très logiquement, elle s’en est emparée pour réaliser d’étonnantes créations, comme une mappemonde géante, avec des écrans diffusant des vidéos d’André Goldberg sur les beautés de la Terre et les dangers qui les menacent. Elle l’avait baptisée « A hazardous Future », Un avenir hasardeux.Elle ne croyait pas si bien dire. S.P.

Mappemonde en osier de Nicole Callebaut

Privacy Preference Center